Le temps, le temps
Le temps et rien d’autre
Le tien, le mien
Celui qu’on veut nôtre
Dans la logique de la thérapie institutionnelle, chacun reprend à son compte, à sa façon, les gestes et les paroles pensés, métabolisés collectivement. Nous lisons régulièrement que les comportements difficiles du jeune traduisent de la souffrance sur laquelle nous suggérons un travail d’élaboration psychique. Il s’agit d’un raccourci qui est dans notre temps à nous, adultes, professionnels, parents.
N’allons pas trop vite, dans bien des cas, lui ne souffre pas encore (il n’a « même pas mal ! »). Si c’était le cas, il serait sur le chemin de la guérison et presque en fin de parcours dans nos établissements, services et dispositifs. Créer les conditions pour qu’il puisse accéder à l’étape du ressentir, de la souffrance est un long chemin. Il n’est pas dans notre temporalité. Lui, est encore bardé des mécanismes défensiels qui lui ont permis, à sa façon, de survivre avant de se frotter à nous.
S’il ressent trop tôt notre désir qu’il exprime de la souffrance, il pourrait entrer dans un processus de sur-adaptation à ce qu’il devine être notre désir. Il développerait un faux self. Et nous pourrions nous croire efficace là ou nous reproduisons simplement avec plus de gentillesse le même processus relationnel qu’il a utilisé pour minimiser les inconforts.
Nous devons donc ralentir, freiner notre empressement à le voir aller mieux. Respecter sa temporalité, et pendant quelques temps encore supporter ses comportements désagréables pour lui et nous. Le temps d’accéder à sa souffrance sera lié à la mesure qu’il prend de notre capacité contenante.
Si ces temps, le sien, le nôtre veulent aller plus vite que la musique nous pourrions devenir le sparring partner d’un renforcement des mécanismes de défense du jeune. Tout le monde s’y blesse en ce cas.
MéTIS Europe amorce un débat qui pourrait nous éclairer en regardant comment le temps du soin est organisé dans plusieurs pays d’Europe membres de notre association.
Le projet de notre association européenne est aussi de favoriser la participation à nos travaux d’usagers, d’anciens usagers, de leurs parents, de leurs familles. Il ont aussi une place auprès de nous comme experts du vécu qui nous enrichissent de leur regard et de leurs apports. Certains d’entre eux nous indiquent de multiples aspects, ils font le lien entre : le temps et le mouvement ou l’absence de mouvement ; le temps de l’agitation et temps de suspension ; le temps de l’adulte et temps du jeune ; le même temps vécu à des vitesses différentes ; l’institution un peu « hors du temps » et des impératifs de la vie ordinaire ; l’impression d’un « temps permanent ».
Nous voyons ainsi que nos préoccupations convergent et que nous pourront enrichir nos perceptions, nos pratiques professionnelles, nos expériences vécues.
Texte d’intro de l’atelier MèTIS sur la temporalité de la relation éducative et soignante de l’enfant en service résidentiel
Sylvain Favereaux – Jonathan Moncassin – Luc Fouarge