Le non-marchand s’aligne sur le monde des entreprises poussé en cela par les administrations de subventions.
L’économie est aux commandes. Les associations sans but lucratif se fondent et se confondent par des fusions absorptions dans une volonté de mutualisation des moyens.
En même temps qu’augmente le nombre de sites qui œuvrent désormais sous la même gouvernance, l’équipe gestionnaire se « spécialise » dans les techniques gestionnaires autour d’un pôle de direction qui se trouve à distance des membres. Le siège dit-on, comme dans les holding.
Des moyens techniques 2.0 communiquent les éléments de gestions confiés à des chefs de services dans les sièges. Le temps de rencontres humaines de ces cadres avec les prestataires d’accueil et de soins, avec les cliniciens et éducateurs, le personnel d’entretien, les maitresses de maisons…est grignoté par les exigences d’encodage, rédactionnel dans le serveur tenu par le siège qui pourra satisfaire ses « besoins » de contrôle, de mesure de la rentabilité, de la productivité.
L’équipe du siège devenue technocratique, est au service d’une organisation dont le but est passé à la performance gestionnaire. Des algorithmes mesurent les ratios personnel/usagers bénéficiaires, alimentant le fantasmes d’un CEO qui remplace les directeurs bricoleurs et braconniers remerciés, pensionnés.
Ces techniciens qui ne rencontrent plus les « clients », sont mobilisés par la cause des diagrammes, graphiques et fromages qui alimenteront un directoire ne connait des buts de la nouvelles Entreprise Sociale que les chiffres, bilans comptables sophistiqués, empruntés aux « sciences financières »
Ils ne reconnaitraient les personnes dites bénéficiaires qu’à la condition qu’elles descendent d’un véhicule de transport à la marque de l’Entreprise.
Les prestataires ne les connaissent pas mais ceux-ci sont en capacité de commenter leur productivité. Encodés, les bénéficiaires sont devenus des chiffres et des lettres qui remplissent les colonnes « client » des tableaux.
Une certification ISO viendra donner des points au CEO. Sa soumission au qualitarisme et à la quantophrénie l’apaise tandis qu’il angoisse les équipes dites de terrain au sein desquelles s’insinuent des mécanisme de défense, des CM sous forme de « burnout ». Si l’algorithme lance une alerte on pourra toujours changer le cadre de service sur le site « malade ».
Le CEO s’encostume dans la figure d’un homme respectable, stressé qui prodigieusement satisfait à l’air du temps. Il navigue désormais de sa cabine, se montre de moins en moins sur le pont. De cette place il ne peut lui-même prendre la mesure de la cascade de « maltraitance » que ce style de leadership occulte. Comment peut-il désormais mesurer le niveau de « méconnaissance » des cadres à l’égard des écarts de conduites du personnel nourrit au stress insidieux résultant d’ une culture d’entreprise dominée par la productivité.
Individuellement, le personnel s’essaye à la résistance. Les carences en capacité de remplacement des CM le rattraperont.
Cette logique gestionnaire s’insinue dans le social avec les modifications des modalités de subvention. Il fut un temps ou la subvention se calculait sur des normes d’encadrements négociées sur base des besoins des personnes. La subvention prenait en compte l’ancienneté du personnel.
Aujourd’hui la subvention est devenue forfaitaire (au nom d’une facilité pour les services). Les normes d’encadrement remplacées par des minima de compétences et l’ancienneté module trop faiblement les variations de dépenses réelles.
Qu’il puisse exister quelques avantages à ces modèles gestionnaires ne fait pas de doutes. La balance doit nécessairement être faite entre ceux-ci et l’apport qualitatif, humain dont les normes ISO disent trop peu. Les dommages causés sur la « contenance » des affects des personnels et le rejaillissement sur les personnes méritent qu’on s’y attarde. L’engagement émotionnel, le don finiront bien par se dissoudre insidieusement. Cela ne pourra qu’intensifier la production de symptômes des personnes et enfants accueillis qui devront « crier » un peu plus fort pour que leurs besoins trouvent réponses chez les accompagnateurs en proie aux « menaces » de cette culture moderne.
Cela pose la question de savoir si il n’y a pas des modalités de subvention qui seraient « mieux » éthiques que d’autres. Un travail à commander par le politique. Il viserait entre autre à montrer les liens entre la bientraitance appelées des vœux de tous et le type de subvention. Derrière cette question, celle de la cascade de bientraitance entre prestataires de soins et d’accompagnements et la personne qui en bénéficie.
En cette matière nous ne pouvons tabler que sur les seules valeurs véhiculées par ces nouveaux CEO de social. L’encadrement réglementaire doit prendre la mesure de ce qu’il véhicule de façon sous-jacente.
Luc Fouarge